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Magdalena avançait silencieusement entre les allées de graviers, un bouquet de fleurs jaunes dans les bras. Sa robe noire voletait, emportée par le vent frais qui enveloppait la jeune femme, comme pour lui donner du courage. Tu peux le faire, Lena, aurait-elle presque l'entendu lui murmurer au creux de son oreille. Qu'importe le nombre d'années qui s'est écoulé depuis la dernière fois que tu es venue. Les yeux fixant l'horizon, loin devant elle, elle faisait un pas après l'autre sans réellement réfléchir, ne pensant qu'à son but, et à ce qui se passerait une fois qu'elle l'aurait atteint. Et puis l'instant fatidique arriva, Lena s'arrêta face à deux pierres tombales : « ci-gît les regrettés Apolline et Gabriel Brion, formidables parents, amis extraordinaires ». Elle étouffa un sanglot et déposa la gerbe de fleurs sur les tombes, toujours aussi silencieuse. Au bout d'un long moment dans le calme, à chercher ce qu'elle allait pouvoir dire à deux pierres portant le nom de ses parents, Lena finit par ouvrir la bouche. « J'ai apporté des jaunes, je sais que ce sont tes préférées Maman. Et puis, Papa m'avait dit un jour qu'en déposait sur une tombe apaisait les morts. » Elle s'efforçait de mettre des sentiments dans chaque mot qu'elle prononçait, comme si ses parents se trouvaient véritablement en face d'elle. Elle soupira, les yeux toujours fixés sur les noms de ses parents. « Je suis désolée de ne pas être venue plus tôt. Et seule, mais les autres avaient d'autres choses à faire. Ou alors, Emily ne voulait pas me tenir compagnie. Ce qui est fortement probable quand on y pense... » Elle s'arrêta et se mit à rire quand elle s'aperçut qu'elle parlait seule. Elle se rendait compte du ridicule de la situation, elle, seule, à parler à ses parents enfouis six pieds sous terre. Mais les rires furent rapidement remplacés par les larmes, toute une coulée de larmes. Un déluge, même. Lena ne les retint pas comme elle avait fait pendant ces sept dernières années, depuis le décès de ses parents. Non, elle laissa couler, ne s'inquiétant pas de son maquillage ruiné, de la tête qu'elle pourrait avoir. Elle s'en fichait, tout ce qui l'importait à présent, tout ce qui emplissait sa tête en ce moment, c'était ses parents : l'accident qui les avait tués, le moment où elle avait appris qu'elle était désormais une orpheline, et le refus de venir ici pendant sept longues années. La vérité, c'est que Lena avait peur, elle ne voulait pas faire face à la dure réalité. Alors pendant sept ans, elle avait laissé Emily, Jeanne et Charles s'occupaient de la tombe de leurs parents, trouvé une excuse à chaque fois qu'une occasion de s'y rendre se présentait à elle, refoulé ses larmes et son chagrin au fond d'elle. Mais aujourd'hui, elle ne voulait plus y échapper. Alors elle était passé chez le fleuriste, avait acheté le plus gros bouquet de fleurs qu'elle avait pu trouver, avait même proposé à ses frère et soeurs de venir avec elle, et avait marché dans le silence jusqu'à être rendue à l'endroit où avait été enterrés ses chers parents. « Les temps sont durs, vous savez... » S'agenouillant au niveau du sol, Lena voulait se sentir au plus près d'eux. « On a parfois du mal, niveau argent. Nos jobs respectifs ne permettent pas de bien vivre. On pense à vendre la maison. Enfin, Emily y pense. Moi, je refuse. Je ne veux pas la vendre. Je ne veux pas vendre mes souvenirs avec vous. » Magdalena s'arrêta de nouveau, laissant une nouvelle coulée de larmes glisser sur son doux visage. « Et puis ça va mal, dans le coven. Il n'y a plus la même harmonie que lorsque vous étiez là. Ce n'est plus pareil. Et puis, les rancoeurs prennent le dessus. Il n'y a pas que moi et Emily qui n’arrivons pas à nous entendre. Mais enfin, vous ne voulez sûrement pas entendre ces histoires d'enfants. » Passant sa main sur son visage, Lena sécha les dernières larmes qui coulaient. Elle posa la main sur la pierre froide, sourit à ce contact. Quelque part en dessous, sa douce mère dormait. Et son père, avec son regard bienveillant, veillait sur elle, sur eux. Les boucles blondes de sa mère lui manquaient cruellement, comme son parfum typique à la bergamote. Et sa voix... sa douce voix qui savait faire partir les vilains monstres ! Lena détourna le regard, fixant l'horizon, le soleil, le ciel bleu, tout, afin de s'empêcher de pleurer une nouvelle fois. Une fois qu'elle eut sentie que les sanglots étaient partis, elle reposa son regard sur la pierre. Un sourire triste apparut sur ses lèvres alors qu'elle s'apprêtait à reprendre son monologue. « Mais je vais bien. Thomas est avec moi, toujours, pour le meilleur comme pour le pire. Ah ! ça ressemble à des voeux de mariage... Quelle ironie quand on sait qu'il ne veut pas en parler, n'est-ce pas ? » Elle s'arrêta, attendit le doux rire de son père avant de se rappeler que Gabriel ne rirait plus jamais. « Enfin, je n'ai pas à me plaindre... Il est là, c'est le principal. » Magdalena se mordit la lèvre, cherchant précieusement ses prochains mots. « J'ai quelque chose à vous dire. Personne d'autre n'est au courant, alors je compte sur vous pour garder le secret. » Elle attendit un moment, imaginant que ses parents acquiesçaient silencieusement. « Je suis enceinte. Je l'ai appris hier matin. » Les mots étaient sortis, résonnant dans le silence matinal d'un cimentière de sorcières. Et puis à partir de là, Lena se tut. Elle ne dit plus rien, elle avait déjà tout dit. Elle ne sut combien de temps elle resta ainsi, assise par terre, à fixer les noms de ses parents gravés dans le marbre.
Et puis une gerbe jaune vint s'ajouter à la sienne. Des cheveux blonds volèrent au vent, un sourire fut adressée à Lena, des bras l'enveloppèrent. Elle répondit à l'étreinte, doucement, silencieusement, surprise. Quelques larmes se frayèrent un chemin sur les joues des deux soeurs, étreintes dans ce moment de tristesse. Aujourd'hui, cela faisait sept ans qu'elles avaient dû apprendre à mettre leurs différends de côté afin de veiller sur le reste de la famille. Sept ans qu'elles essayaient tant bien que mal de ne pas se détester.

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