♦ ♦ My heart is burning, can you feel it tonight ? it's like an open fire. Disturbia ferme les yeux, et il inspire profondément. Il sent leurs odeurs, aussi distinctes que si il les avait sous son nez. Pourtant il sait qu'ils se trouvent à quelques kilomètres de lui. Il distingue leurs rires, et peut-être même le crépitement d'un feu de camp. Il fait encore jour, il ne lui reste plus que quelques heures avant la pleine lune. Il doit agir maintenant. Cela fait déjà vingt quatre heures que son frère est mort, et Disturbia ne peut faire son deuil, non, d'abord, il doit éliminer la personne qui l'a tué. C'est toi qui m'a tué. Disturbia secoue la tête, il a passé la journée à l'hôpital alors qu'il allait étrangement bien, et rapidement. Sa tête est seulement un peu lourde à cause de la tonne de médicaments qu'ils lui ont fait ingurgiter mais il se sent à plein de ses capacités. La seule chose étrange, c'est ce bourdonnement incessant dans son oreille droite, qui l'empêche d'entendre. Les médecins disent que le bourdonnement va passer, au profit du silence complet, et qu'il aura un acouphène de temps en temps. Alors pourquoi, si les loup-garous sont censés guérir de tout, comme son frère le lui avait dit, sa peau restée brûlée et que son oreille est sourde ? Est-ce parce que ses blessures ont été causées avant le déclenchement de ses gênes ? Ou est-ce une punition ? Son frère l'avait bassiné pendant des années avec cette histoire de loup-garou, que soit disant les parents en étaient, alors ils devraient en être eux-même, mais ils étaient loin d'avoir l'air d'animaux. D'accord, les gens les traitaient souvent « les frères sauvages » parce qu'ils avaient tous les deux cette agressivité bestiale, mais ils étaient parfaitement humains. Mais il y a quelques semaines, son frère eut les réponses à toutes ses questions chez ce maudit Carter. Un vieux chnoque du bled, un bouseux comme on en fait plus, avide de pouvoir et de perversion. Il lui apprit comment déclencher la malédiction, comment réveiller ses gênes profondes. C'est toi qui m'a tué. Et tu m'as pris ce que je voulais. Disturbia prend sa tête entre ses mains. Et il serre ses doigts contre son crâne, comme pour réveiller son cerveau à moitié endormi, pour ravaler sa peine et faire gronder la colère qui l'a amené jusqu'ici. Il ouvre les yeux, et il expire profondément. Il enjambe habilement le tronc derrière lequel il avait trouvé refuge et avance, rapidement et souplement, sans émettre le moindre son, jusqu'au campement des Carter. En vrai, tu veux te faire tuer, c'est ça ? Tu penses que tu vas te racheter avec ta mort ? A ce moment là, il ferait tout pour faire taire la voix de son frère qui lui murmure à l'oreille. Elle le réchauffe, elle le stabilise, et elle ne fait que lui rappeler son absence. Sa colère gronde au fond de lui, sa souffrance, et sa haine mélangées. Il voit encore le sang de son frère sur ses mains, et il n'a qu'une hâte, le remplacer par celui de Carter. Ils l'attendent, tous, ils ont les yeux rivés vers lui alors qu'il sort du bosquet, se retrouvant dans un carré de verdure, où les arbres ont été coupés, certains sont mêmes assis sur ce qui reste de leur tronc. Ils ne sont que quatre. La meute Carter n'est pas reconnu pour sa population affluente. « Dude, you're not the one i was expected ! » dit-il avec son reste d'accent irlandais. L'homme, torse nu, arbore un corps qui a été jadis musclé, mais maintenant à l'abandon, ses cheveux bruns et sales tombant sur ses épaules. Il scrute le nouveau venu, un sourire audacieux sur les lèvres. Disturbia, lui, reste fermé. Il voit le soleil, au loin, entamer sa longue descente. Disturbia ne sourit pas, il ne parle pas, il ne gronde pas, il se contente de se jeter sur lui, agrippant la chair de l'homme des doigts. Il se bat comme une bête sauvage, ce qu'il a toujours été, et sera toujours. Tout est bon pour frapper, les poings, les pieds, les coudes, les pierres, les branches et les braises. Le sang de Carter efface le sang de son frère. Il n'y a pas une once d'égalité dans le combat, la haine, la colère et la souffrance sont trop fortes face à la simple perversion. Le combat dure, plusieurs dizaines de minutes, les autres membres de la meute hésitent, ils se sont éloignés, ils savent que leur Alpha est en mauvaise posture, et la pleine lune arrive. Autant que le soleil ne chute, cette dernière monte bien haut dans le ciel. Il sait qu'il doit gagner avant de se transformer pour la première fois.
Le sang, puis la douleur et les cris, ensuite vient le noir complet. Disturbia se réveille, il se sent moue, froid et endolori. Il ne sait pas combien d'heures ont passé, mais il se doute que la pleine lune a eu l'effet qu'elle devait avoir sur lui et ceux qui étaient maintenant ses semblables. Il ouvre les yeux sur un ciel étoilé. La dernière chose qu'il se souvient, c'est la souffrance et du sang, mais du sang de qui ? Il lève ses mains jusqu'à son visage, des mains rouges, ensanglantées, mais il ne sait pas à qui appartient ce sang. Est-ce le sien, celui de Carter, ou de son frère ? Il ne se souvient que du sang, et il se réveille dans le sang. Son odeur, métallique, prenante, erre autour de lui, elle est partout, sur le sol, sur lui, sur les troncs et sur l'herbe fraîche. Il se redresse en prenant appuie sur ses coudes, et il est pris de nausées. Un corps déchiqueté gît à ses pieds, la poitrine ouverte sur un trou béant. Il sait enfin d'où ce sang provient, d'un cœur arraché qui saigne. Et même si ce n'est pas le sien, il a l'impression que c'est son cœur qui a disparu.